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rieux, économe, bon cultivateur. Les belles tiges de blé, de seigle et d’avoine qui se balançaient dans les champs de Pierre, tout à côté de ses clos incultes ou mal entretenus, à lui, paraissaient à ses yeux comme autant d’accusateurs lui reprochant son incurie ; et il ne pouvait voir les beaux grands bestiaux et les superbes moutons paissant dans l’herbe haute et drue de la prairie voisine, sans maudire le bonheur insolent de son aîné.

Hâtons-nous d’ajouter toutefois que ces manifestations haineuses étaient tout intérieures et ne se traduisaient jamais au dehors. Hypocrite autant que méchant, Antoine était, au contraire, le premier à féliciter son heureux frère de cette prospérité qui lui donnait le cauchemar.

C’est qu’en homme de loi entendu, le coquin n’ignorait pas que Pierre n’ayant pas d’enfants et ne pouvant emporter ses biens dans l’autre monde, les dits biens devaient fatalement lui revenir, à lui Antoine – sauf peut-être la part de Marianne. Mais Marianne étant elle-même sans parents connus, il y avait mille à parier contre un que tout le magot resterait dans la famille