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Contes d’un buveur de bière

Pendant que la pâte levait, il alluma sa pipe, but un verre de bière & se tira les cartes.

Quand il crut qu’elle était à point, il mit du beurre dans la poêle, ou, comme nous disons, dans la payelle, &, sitôt que le beurre eut chanté, il y versa une cuillerée de pâte.

Au moment de faire sauter le raton, il entendit sonner minuit au clocher du village.

« Bon ! pensa Culotte-Verte, le premier qui arrive aura l’étrenne de la payelle. »

Il attendit une minute, mais rien : la cloche invisible reſta muette.

« C’eſt vexant, fit l’Homme-sans-peur. Un raton qui a si bonne mine ! Tant pis ! j’en aurai meilleure part. »

Il achevait à peine ces mots, qu’il ouït une voix effrayante, semblable à celle d’un homme qui parlerait dans une citerne. Cette voix paraissait venir du haut de la cheminée.

« Cherrai-je ? cherrai-je point ? disait la voix.

— Attends que j’aie resaqué la payelle, répondit Gilles. Là, chais hardiment. » Et il tendit ses mains sous la cheminée.

Il chut une jambe.

Culotte-Verte l’attrapa au vol & la jeta dans un coin, où elle reſta debout ; puis il remit sa poêle sur le feu.

« Cherrai-je ? cherrai-je point ?