Cette maudite passion faisait qu’il logeait souvent le diable dans sa bourse, & lui-même, avec son baudet, à l’auberge de la belle étoile.
Un soir, il arriva dans un village des Pays-Bas. Il demanda à loger dans plusieurs auberges, mais comme il ne lui reſtait pas un rouge double, on lui répondit partout qu’on n’avait point de place.
« À ce prix-là, vous n’en trouverez qu’au château des Sonneurs, lui dit quelqu’un ; mais qui oserait passer la nuit au château des Sonneurs ?
— Moi !
— Vous ne savez donc pas qu’il revient dans la chambre rouge ? C’eſt pour cela que le château eſt abandonné.
— Oh ! les revenants ! moi, je n’ai mie peur des revenants. Je n’ai peur de rien, & le jour où j’aurai eu peur, je me marierai. Donnez-moi seulement un bon bâton. »
Le château des Sonneurs avait une telle réputation dans le pays, qu’on fut fort étonné qu’un homme osât s’y aventurer. On racontait que toutes les fois qu’il devait y avoir une apparition, aussitôt que minuit avait sonné à l’horloge du village, des esprits y répétaient les douze coups sur une cloche invisible.
On alla quérir un bâton de bois d’aubépine ; mais Gilles le cassa comme une allumette.