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Contes d’un buveur de bière

que je m’attife un peu : je ne voudrais point faire honte aux gens de là-bas. »

La Mort y consentit.

Misère mit sa belle robe d’indienne à fleurs qu’elle avait depuis plus de trente ans, son blanc bonnet & son vieux mantelet de Silésie, tout usé, mais sans trou ni tache, qu’elle ne revêtait qu’aux fêtes carillonnées.

Tout en s’habillant, elle jeta un dernier coup d’œil sur sa chaumière & avisa le poirier. Une idée singulière lui passa par la tête, & elle ne put s’empêcher de sourire.

« Pendant que je m’apprête, voudriez-vous me rendre un service, l’homme de Dieu ? dit-elle à la Mort. Ce serait de monter sur mon poirier & de me cueillir les trois poires qui reſtent. Je les mangerai en route.

— Soit ! » dit la Mort, & il monta sur le poirier.

Il cueillit les trois poires & voulut descendre, mais, à sa grande surprise, il ne put en venir à bout.

« Hé ! Misère ! cria-t-il, aide-moi donc à descendre. Je crois que ce maudit poirier eſt ensorcelé. »

Misère vint sur le pas de la porte. La Mort faisait des efforts surhumains avec ses longs bras & ses longues jambes, mais, au fur & à mesure