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Les Muscades de la Guerliche

place. On n’y connaît point votre figure : nous verrons bien ce qui en adviendra. Fiez-vous à moi. La corde qui doit vous servir de cravate n’eſt point encore filée. »

Au jour dit, la Guerliche se présenta au palais. Le roi était juſtement de bonne humeur, ayant bien dîné. Il digérait sur son trône en fumant sa pipe, avec tous ses courtisans assis en rond. Il ordonna qu’on introduisît le mayeur.

« Ainsi c’eſt toi, lui dit-il, qu’on appelle le mayeur Sans-Souci.

— Je ne mérite mie ce nom, sire.

— Ah ! ah ! mon gaillard. Tu t’es donc soucié de savoir ce que pèse la lune ?

— Il a bien fallu, sire.

— Et quel eſt son poids ?

— Une livre.

— Une livre ! » fit le monarque, &, pensant que le mayeur se moquait de lui, il fronça le sourcil. Tous les visages se rembrunirent.

« À preuve qu’elle a quatre quarts, ajouta la Guerliche.

— Au fait ! dit le roi en souriant, & toutes les figures s’illuminèrent. Et t’es-tu aussi inquiété de savoir ce que vaut notre personne, au plus juſte prix ?

— Au plus juſte prix… Vingt-neuf deniers.