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Les Muscades de la Guerliche

métier d’escamoteur, répondit la Guerliche, mais à Erchin il ne doit point rapporter gros. Je veux y joindre celui de marchand de farine. Prêtez-moi quelques milliers d’écus pour conſtruire un moulin, & j’accepte. Je suis las de courir le pays, & d’ailleurs j’ai envie de prendre femme.

— Marché conclu ! » dit l’autre.

La Guerliche fit bâtir un moulin sur les monts d’Erchin, près du sentier de Roucourt, à deux pas de la ferme du mayeur ; & c’eſt ainsi que d’escamoteur il devint greffier de mairie & meunier, pour ne point dire voleur. Il faut pourtant lui rendre cette juſtice qu’il ne vola pas plus que ses confrères & se contenta de tirer, selon l’usage, d’un sac double mouture.

Or, il arriva un jour que le roi des Pays-Bas vint à Douai pour voir la procession de Gayant. En se promenant le lendemain au soleil des loups, je veux dire au clair de la lune, il avisa le moulin & la ferme qui étaient des plus beaux qu’il y eût en pays flamand.

« À qui ce moulin ? dit-il.

— Au meunier la Guerliche, sire.

— Et cette ferme ?

— Au mayeur Sans-Souci.

— Sans-Souci ! voilà un particulier qui a plus de bonheur que son monarque. Minute ! je vas t’en donner, fieu, du souci. Qu’on aille lui annon-