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Cambrinus, Roi de la Bière

flots d’allégresse. Rien ne vaut une bouteille de piot pour noyer la triſtesse humaine.

— Vous pourriez bien avoir raison, myn heer. »

Et Cambrinus roula sa corde & retourna à Fresnes.


III


Sans perdre de temps, il fit conſtruire en larges pierres de Tournay une cave longue de six cents pieds, large de quarante & haute à l’avenant. Il la garnit des vins les plus exquis.

Dans les foudres, rangés sur deux lignes parallèles, mûrissaient le chaud bourgogne, le doux bordeaux, le champagne pétillant, le gai malvoisie, le marsala babillard, l’ardent xérès, le généreux tokai & le tendre johannisberg, qui ouvre aux têtes carrées d’Allemagne les portes d’or de la rêverie.

Jour & nuit Cambrinus buvait le jus de la vigne dans des verres de Bohême. L’infortuné croyait boire l’oubli, il ne buvait que l’amour. D’où venait ce phénomène ? Hélas ! de ce que les bons Flamands sont autrement bâtis que les gens d’ailleurs.