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Les Muscades de la Guerliche

Il avait dans sa valise une belle paire de souliers neufs. Il en jeta un à la cavée de Douai, sur la route que devait suivre le boucher, & l’autre un peu plus loin, à l’endroit où le chemin fait un détour.

« Tiens ! un beau soulier tout neuf ! dit Boisvert en apercevant le premier. C’eſt dommage qu’on ait oublié de perdre l’autre, » & il laissa le soulier.

À moins de trois portées de crosse, il rencontra l’autre.

« Les deux font la paire, pensa-t-il. Ma foi ! il ne sera point dit qu’ayant trouvé des souliers neufs, je les aurai laissé manger au loup. »

Il attacha son mouton à une souche de bouleau & retourna sur ses pas. La Guerliche, qui était aux aguets, détacha le mouton &, par un chemin de traverse, le ramena chez le mayeur.

Trois heures après, Boisvert reparut tout penaud, avec une paire de souliers, mais sans mouton. Il conta sa mésaventure au mayeur qui, feignant d’y compatir, lui permit de choisir, à moitié prix, dans le troupeau, une bête toute pareille.

« À moitié prix, c’eſt trop bon marché ! » dit la Guerliche, & il partit de nouveau.

En traversant le bois de Douai, vers l’endroit qu’on appelle le Trou Pellot, Boisvert entend tout à coup crier dans le fourré : Bée ! bée !