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Contes d’un buveur de bière

quand, un matin, il s’éveilla avec une idée lumineuse : « À quelque chose bonheur eſt bon, se dit-il. Peut-être que Flandrine consentira à m’épouser, maintenant que je suis tout cousu d’or. »

Il revint déposer ses trésors aux pieds de la cruelle ; mais, chose incroyable & bien faite pour étonner les demoiselles d’aujourd’hui, Flandrine refusa.

« Êtes-vous gentilhomme ? dit-elle.

— Non.

— Eh bien ! remportez vos trésors, je n’épouserai qu’un gentilhomme. »

Cambrinus était si désespéré, qu’un beau jour, entre chien & loup, il retourna au bois d’Odomez, grimpa au chêne, s’assit sur la première branche & y attacha solidement sa corde. Déjà il se passait le nœud coulant autour du cou, quand apparut le vert chasseur.

« Ah ! fieu ! lui cria Belzébuth, j’avais oublié le proverbe : Malheureux en amour, heureux au jeu. Veux-tu que je t’indique un moyen de perdre ? »

Cambrinus dressa l’oreille.

« Oui, tu perdras, & tu perdras mieux que de l’or. Tu perdras la mémoire, &, avec elle, les tourments du souvenir.

— Et comment ?

— Bois. Le vin eſt père de l’oubli. Verse-toi des