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Cambrinus, Roi de la Bière

second ordre, son virtuose répéterait neufs cents fois en une heure ran-plan-plan-plan-biscouïtte-biscoriau, le vrai solo, le seul qui puisse compter.

L’oiseau alla jusqu’à neuf cent cinquante, & le maître gagna le premier prix & les trois mille florins, après quoi les Amandinois promenèrent en triomphe l’homme & la bête, l’un portant l’autre.

Cambrinus se mit alors à parcourir les Flandres, battant avec son ténor les plus renommés pinsonneurs ; & c’eſt depuis cette époque que les Flamands sont aussi passionnés pour les combats de pinsons que les Anglais pour les combats de coqs.

Des Flandres il passa en Allemagne & voyagea de ville en ville, jouant à tous les jeux d’adresse & de hasard. Partout il emporta sa chance avec lui. Il fit l’admiration générale, gagna des sommes énormes, devint immensément riche, mais il ne guérit point de son amour.

Cette chance infaillible l’avait d’abord enchanté. Plus tard, elle ne fit que l’amuser ; puis elle le laissa froid & bientôt elle l’ennuya. À la fin, il était si las de ce gain perpétuel, qu’il aurait donné tout au monde pour perdre une seule fois ; mais son bonheur le poursuivait avec un acharnement implacable.

Il recommençait à se trouver bien malheureux,