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Manneken-Pis

leur courtil. Le noyau germa & devint un arbre extraordinaire.

Il portait quatre fois l’an, aussi bien le printemps que l’été, l’hiver que l’automne, & les pêches les moins bonnes n’étaient point celles qui mûrissaient au vent de bise.

Il faut savoir que le trône des Pays-Bas avait alors pour maître un monarque fort gourmand, digne petit-fils d’Adam, de qui nous descendons tous, monarques & sabotiers.

Ce roi aimait passionnément les pêches, & comme on n’avait point encore inventé les serres pour remplacer le soleil, il était désolé de n’en pouvoir manger à Noël ou à la Chandeleur.

Il lui arriva même une fois, en faisant réveillon, de dire qu’il donnerait de bon cœur sa fille en mariage au beau premier qui lui apporterait une corbeille de pêches pour son dessert. Le propos en vint aux oreilles du sabotier.

Le merveilleux pêcher se couronnait juſtement de ses fruits, & c’était un rare & curieux spectacle de le voir balancer son front vermeil sous le ciel gris de nuages, sur la terre blanche de neige.

« Voilà, se dit le sabotier, une riche occasion d’établir l’aîné de mes fils. Il épousera la princesse &, après la mort du beau-père, il régnera sur les Pays-Bas, ce qui eſt un métier moins fatigant que de faire des sabots. »