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fréquenter le monde fashionable. Nous ne manquions jamais cette promenade le samedi, car c’était pour ainsi dire jour de gala. En ce jour, tous les beaux équipages de Montréal paradaient. Les grandes dames, nonchalamment assises sur les sièges capitonnés, brillaient dans leurs toilettes plus claires et plus attrayantes. Les messieurs, sans soucis des affaires, étaient plus nombreux. Les jeunes filles, certaines de rencontrer les jeunes gens en congé, se rendaient en foule. Le nombre des promeneurs était quelquefois si considérable que la circulation gênée était lente et difficile, ce que personne ne détestait cependant.

Tous les soirs, Rose et moi, nous nous voyions, soit que j’allasse chez elle passer la veillée, soit que je la rencontrasse chez des amis ou que nous fissions une marche dans les grandes artères de la ville. Nous avions toujours hâte de nous revoir et nous avions toujours du chagrin de nous quitter. À la demeure de Rose, nous passions la soirée soit au milieu de la famille qui se retirait en général de bonne heure, soit entre nous deux seuls en conversation plus intime. Lorsque nous étions seuls au salon, le chaperon, qui était le plus souvent la mère de Rose, sommeillait tout le temps, confortablement assis dans une grande berceuse en bois, placée près de la porte, dans le boudoir voisin. Parfois la bonne mère de Rose s’éveillait en sursaut, faisait craquer sa chaise pour nous avertir qu’elle veillait toujours, et retombait immédiatement endormie. Le temps s’écoulait beaucoup plus vite lorsque nous étions seuls. C’étaient alors des réminiscences de nos jours de vacances. Nous nous rap-