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L’AMOUR NE MEURT PAS

Quels doux moments nous avons passés ensemble dans le petit salon où elle me recevait. Parfois sa famille s’y réunissait et nous causions alors de sujets parfaitement indifférents. Nous rappelions les incidents dont nous avions été témoins dans nos promenades sur les rues Notre-Dame ou St-Jacques, entre les cours ; nous citions les personnes que nous avions rencontrées ; nous admirions ou critiquions leurs toilettes et leurs chapeaux ; nous discourions de nouveau sur le dernier bal ou nous osions faire certains pronostics sur le bal qui se donnait quelques jours plus tard. Peu à peu, un à un, les membres de la famille se retiraient avant la fin de la veillée, et nous ne restions plus que trois au salon : une des sœurs de ma Rose-Alinda faisait l’office de chaperon afin de nous permettre de prolonger la soirée aussi tard que les convenances et la volonté de la mère de Rose le toléraient. C’étaient alors les beaux instants de la veillée. La jeune sœur se mettait au piano, nous jouait quelques sonates ou nous chantait quelques romances. Par délicatesse, comme si elle eût voulu nous faire oublier sa présence, elle nous tournait le dos constamment et semblait sourde à notre conversation. Et nous, nous n’entendions rien à sa musique ou à son chant.

Nous placions nos deux chaises en forme de causeuse. Assis l’un près de l’autre, face à face, à voix basse, nous épanchions nos cœurs l’un dans l’autre. C’était toujours le même passé que nous racontions ; c’étaient toujours les mêmes pensées sur le présent que nous exprimions ; c’étaient les mêmes espoirs que nous entretenions pour l’avenir, et cependant c’était toujours du nouveau pour nous. Nous recommencions toujours, nous répétions