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pendant les longs deux mois de mon absence. Le récit de mes tortures morales, de mes ennuis et de mes longues et cruelles attentes de la pratique, touchait parfois le cœur de mes hôtes, et je voyais souvent leurs yeux s’humecter et de grosses larmes couler le long de leurs joues. Je n’osais pas trop regarder ma Rose en ces moments-là, car ses larmes me faisaient mal au cœur. Ma Rose elle-même n’osait pas m’interroger devant ses sœurs, de peur d’éclater en sanglots tant le récit de mes ennuis et de mes misères lui déchirait le cœur. Mais quand nous étions seuls, elle donnait libre cours à ses larmes et me faisait raconter de nouveau ma vie, jour par jour, heure par heure. Oh ! comme j’aurais voulu alors sécher ses larmes sous mes baisers. Peut-être elle-même l’aurait-elle désiré et aimé ; mais j’aimais trop ma Rose pour me permettre la moindre action qui eût froissé les sentiments d’amitié et de bienveillance que me prodiguait sa famille.

Pendant ces trois jours nous avons revu un à un les souvenirs que nous avions attachés partout ; pas un sentier, pas un bosquet, pas un arbrisseau, pas une haie, pas un jardin où nous n’ayons retrouvé quelques pensées, quelques désirs des jours passés. Parfois dans les sentiers ou les chemins tout étroits, nous nous arrêtions subitement, croyant entendre l’écho prolongé des sentiments que nous avions exprimés ou des paroles que nous avions dites autrefois. Cet écho nous rappelait exactement et au même endroit les mots si doux qui avaient fait battre plus fortement nos cœurs. Le soir, après le dîner, quand tout était tranquille dans la campagne,