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L’AMOUR NE MEURT PAS

paisiblement aux pieds de leur maître lui-même endormi dans une quiétude parfaite.

Quand je passe aujourd’hui devant ce vieux château déserté, perdu dans ce quartier de la ville sans vie, je pense à toutes les espiègleries, à toutes les friponneries, à tous les plaisirs des étudiants qui n’étaient pas toujours de bon aloi ou d’accord avec les règles de la bienséance et de la galanterie ; à l’ancien Salon de L’Aurore qui avait une vogue incroyable chez les étudiants, non pas tant parce qu’on débitait de bonnes liqueurs à bon compte que parce qu’il y avait deux jolies filles qui faisaient de l’œil aux carabins. Elles étaient jeunes, avaient le visage rond, les joues colorées naturellement, le menton creusé d’une petite fossette, la bouche toujours souriante, des dents blanches, des yeux grands et bien fendus, le nez un peu chiffonné, la taille fine, le pied petit. Elles se ressemblaient comme deux sœurs jumelles ; mais l’une était brune et l’autre blonde. En fallait-il plus pour plaire aux étudiants toujours friands des beaux fruits ? De leur côté, les deux jeunes filles aimaient les étudiants. « À la Bisaillon » c’était courir à L’Aurore et payer chacun son écot. Il en coûtait cinq sous ; mais combien de nous allaient à la Bisaillon sans le sou, pour le simple plaisir ou désir de mettre en imagination un baiser sur les joues veloutées ou les lèvres roses et tendres des deux belles filles de L’Aurore qui refusaient toujours de telles galanteries. Je pense aussi quelquefois au tapage que nous faisions les jours de pluie ou de neige à ne pas mettre le nez dehors. Cantonnés dans nos salles de cours ou de récréa-