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certains qu’à l’heure convenue, nous les verrions plutôt de près que de loin. Nous admirions les toilettes claires des jeunes filles, leurs grands chapeaux fleuris, leurs riches fourrures, ou, suivant la saison, leurs robes lourdes et épaisses, longues, très longues selon la mode du temps, qui ne montraient rien du tout alors. Nous admirions bien plus encore leurs jolies joues roses, leurs lèvres de carmin et les œillades de leurs grands yeux bleus ou noirs. Et parfois les regards des jeunes filles, plus agaçants, plus provocants, jetaient le trouble en nos âmes paisibles d’étudiants, et sous l’empire de je ne sais quel magnétisme, nous suivions et rejoignions bientôt ces jeunes hypnotiseuses qui nous faisaient oublier nos cours et nos professeurs.

Aujourd’hui devant le vieux château, plus de boulevard, plus de promenade, plus d’équipages, plus de jolies coquettes et de gais carabins. Tout est disparu et les rues St-Jacques et Notre-Dame sont désertes et silencieuses l’après-midi. Les grands magasins ont disparu et ont émigré sur la rue Ste-Catherine qui est devenue le lieu de promenade fashionable. Et dans le parterre sans fleurs du vieux château l’on ne voit plus que de vieux canons et d’antiques obusiers mal assis sur leurs affûts démodés, et des tas de boulets et d’obus que la rouille dévore. Et que font là ces vieilles choses ? que disent-elles ? Ce sont des reliques des jours de gloire ; elles sont là, à la porte ou sous les fenêtres du vieux manoir, comme de vieilles sentinelles qu’on a oublié de relever, ou comme de vieux chiens de garde qui dorment