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comme moi dans une terre de liberté ; comme moi elle a le droit d’y vivre et d’y travailler. Continue, petit insecte, à t’amuser dans ta toile ; travaille-la ; tu me fais penser à ma Rose en m’encourageant à travailler comme toi pour faire beaucoup d’argent afin d’aller plus tôt chercher ma douce fiancée. Joue, petit insecte, joue encore et reviens souvent me distraire… Encore une journée qui coule comme une onde tranquille et lente. Je n’ai eu aucune pratique aujourd’hui. Je n’aime pas la vie aussi tranquille, l’onde aussi calme. Je voudrais des tempêtes quelquefois ; je ne crains pas les vents impétueux ; je désire l’agitation, l’occupation, le travail, car voilà la vie. Je ne vis donc plus ou je n’ai jamais vécu, et je veux vivre pourtant et travailler. Quand donc aurais-je assez de patients pour m’occuper le jour et la nuit ; qu’ils m’apportent le travail ; ils m’apporteront en même temps la vie et le bonheur.

Samedi, 7 mai, 9½ hrs p.m. — Pas de malades avant-hier ; pas de malades hier et pas plus aujourd’hui. Ah ! chère Rose, te dire ce que j’ai ressenti aujourd’hui ! je ne puis ; j’aimerais autant ne pas y penser parce que c’est ouvrir à nouveau des plaies qu’on fouille avec la sonde. Il me semble qu’il y a en moi quelque chose de plus fort que ma volonté qui me tourmente toujours et cherche constamment à me faire souffrir moralement. Qu’est-ce ? Est-ce l’ennui ? Est-ce l’exil supporté seul ? Sont-ce mes nerfs influencés par la température, par la digestion ou l’absence de sommeil ? Vingt fois j’aurais voulu te dire ma douleur, mon angoisse, et toujours ma plume se refusait à écrire. Mais comment aurait-elle pu obéir