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L’AMOUR NE MEURT PAS

riche des palais devient un cloître austère quand une femme aimée ne l’embellit pas de sa présence.

9½ heures du soir. — Rose, ma Rose, encore un jour qui disparaît et je ne t’ai pas vue, et je n’ai pas eu un seul patient. Hélas ! qu’il faut être patient pour être médecin ! Attendre, toujours attendre, est-ce là le rôle du médecin ? Oui, du jeune médecin qui n’est pas encore connu ; je m’en aperçois.

C’est aujourd’hui mardi, la journée des amoureux et je suis loin de toi, chère Rose… Notre causeuse dans le petit salon de Montréal demeure-t-elle toujours vide ? Ne t’y assieds-tu plus quelquefois en souvenir de nos doux entretiens et de nos soirées intimes. Ici, la chaise en bois est dure et étroite ; c’est la seule que j’aie pour causer avec ton image sur ma petite table.

J’étais à peindre mon nom sur un de mes stores ; ma palette à la main, tes deux portraits sur ma table devant moi ; je t’appelais et je te disais : « Où donc es-tu, Rose chérie ? Rose, que tu es lente à faire ta toilette ce soir ! Hâte-toi, chère Rose ». Je ne te voyais pas venir ; je n’entendais pas ton pas léger et ta voix si douce… Hélas ! je rêvais… Je me croyais à Ste-Martine, dans mon atelier, à faire pour toi et ta charmante sœur, des peintures sur du satin ou dans des plateaux en porcelaine… Le silence de mon appartement n’était troublé que par les soupirs à demi étouffés de mon cœur qui s’exhalaient comme des murmures plaintifs… Ma cloche a sonné !… Je tremble ; j’ai le frisson ; j’ai froid ; c’est un patient, mon premier patient !… Je reste là cloué sur ma chaise à vouloir me remettre, à prendre un peu de sang-