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sissable de pitié. Comme Jacquard lui demandait directement son avis, il déclara doucement :

— Pourquoi tant compliquer les choses, Monsieur le Juge ? C’est peut-être le devoir de ceux qui font les lois, de ceux qui écrivent les livres. Mais moi ce n’est pas dans les livres que j’ai appris ce que je sais. Et c’est ce que je sais qui m’a donné la paix intérieure, la joie de l’âme, la confiance en la vie. Et c’était si simple, si simple pourtant ; il n’y avait qu’à écouter Celui qui vous parle toujours, quand on cesse d’entendre les rumeurs de la terre…

Et Jacquard sentit qu’il ne fallait plus insister. Ses souvenirs en éveil lui ressuscitèrent une admirable page de Sagesse et Destinée, qu’il connaissait par cœur tant il l’appréciait :

« Au demeurant, les livres n’ont guère, dans la vie, l’importance que la plupart des hommes qui les écrivent ou qui les lisent veulent bien leur accorder. Il suffirait de les écouter dans l’esprit où l’un de mes amis, qui est un grand sage, écoutait un jour le récit des derniers instants de l’empereur Antonin le Pieux. Antonin le Pieux, qui, à plus juste titre encore que Marc-Aurèle, peut être considère comme l’homme le meilleur et le plus parfait que la terre ait porté, car à toute la sagesse, à toute la profondeur, à toute la bonté, à toutes les vertus de son fils adoptif, il joignait je ne sais quoi de plus viril, de plus énergique, de plus pratique, de plus simplement heureux et de plus spontané qui le rapprochait davantage de la vérité quotidienne, Antonin le Pieux, étendu sur son lit, attendait la mort, les yeux voilés de larmes involontaires et les membres baignés des pâles sueurs de l’agonie. À ce moment, le chef