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fréquente des juges n’y voyant qu’une indulgence ; ils réduisent la peine à un taux infime et la déclarent, en outre, conditionnelle. Belle garantie contre les tentations à venir que 26 francs d’amende ! Mais parlez-moi de quatre ou cinq mois de prison imminents ! Voilà qui fera réfléchir le buveur qui sent monter l’ivresse en son cerveau, qui donnera de la longanimité aux tempéraments sanguins et batailleurs, qui engagera le filou au respect du bien d’autrui. D’autre part, pour garder son effet, le délai ne doit point être trop long. Trois ans est, en général, bien suffisant pour les vertus humaines.

— Il est, en effet, assez nouveau, votre point de vue. Si je vous comprends bien, c’est l’intérêt de la société, non celui du prévenu, qui doit motiver l’octroi du sursis ?

— Précisément. J’ajoute qu’au moment où la science du droit pénal se demande avec inquiétude si le système de l’emprisonnement est bien salutaire, s’il n’est pas même nuisible dans maintes circonstances, les prisons ayant pu être appelées des fabriques de criminels, il est magnifique d’arriver à l’amendement du coupable, à la protection de la société, sans recourir à ce mode discrédité de répression, rien que par une contrainte morale. Là est l’avenir, croyez-moi. On a commencé par punir brutalement l’homme dans son corps, dans sa liberté, dans sa fortune, dans son honneur ; on arrivera mieux au but par des procédés de plus en plus doux. Les réparations civiles d’une part, la sévérité contre les récidivistes spécialisés d’autre part, seront les garanties bienfaisantes complémentaires. Vous verrez l’idée qui a inspiré la loi Le Jeune en Belgique, la loi Bérenger en France, se répandre, se géné-