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affaire Durand, mon cher Jacquard. Je veux bien que cette malheureuse soit intéressante et son mari un chenapan. Mais enfin la prévention est établie ! La peine habituelle est trois mois. Dura lex, sed lex !

— Je la trouve odieuse, votre loi, tout simplement. Était-il assez abject, le plaignant, tandis qu’il souriait d’un air vainqueur, à peine troublé par le rappel de ses turpitudes ? La loi le drapait. La loi nous obligeait à nous associer à son infamie. La loi nous forçait à consommer la tyrannie de ce misérable. Nous finissions le geste qu’il avait commencé. Bien plus, la loi lui laissera encore, après notre sentence, la faculté d’absoudre ce qu’il nous aura fait condamner. Ne trouvez-vous pas, Monsieur le Président, que notre dignité n’est pas tout-à-fait sauve en ceci ?

— Voilà un petit paradoxe qui ne manque pas de piquant, je le veux bien ; mais parlons sérieusement. Le mariage est, n’est-ce pas, le fondement même de la famille et la famille importe à l’organisation sociale tout entière. Cela vaut bien qu’on s’en préoccupe, je crois.

— Le thème est vaste, Monsieur le Président, et j’aurais beaucoup à répondre. Mais laissons ce débat. Admettons la nécessité sociale de veiller au mariage et à la famille. Il y a là assurément des phénomènes considérables auxquels le Droit ne peut rester étranger. Mais le droit civil ne suffit-il point ? Il peut veiller aux intérêts multiples en cause, atteindre profondément les coupables dans leurs sentiments, leur liberté ou leur fortune. Pourquoi le droit pénal intervient-il avec sa brutalité et son manque de discernement ? Si l’infidélité est coupable, pourquoi cette différence entre celle du mari et celle de la femme ? Et si