Page:Destrée - Le Secret de Frédéric Marcinel, 1901.pdf/64

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
58 —

trouvés déconsidérés ou diminués ; ils continuaient à inspirer le même respect aux puissants, la même crainte salutaire aux misérables, et l’opinion avait très rapidement accepté ce nouveau mode de juger.

Lorsqu’il commença à siéger avec le juge Jacquard, le Président avait renoncé à opposer à l’application de la loi de sursis une absolue fin de non-recevoir. Mais à chaque occasion son antipathie réapparaissait. Il accueillit avec satisfaction les décisions des Cours proclamant que les condamnations des militaires ou celles pour infractions fiscales ne pouvaient être conditionnelles. Il s’appliqua alors à créer de grandes catégories exclues du bénéfice de la loi. Toute atteinte à la propriété d’autrui (vol, détournement, recel, falsification) lui dénotait une perversité non susceptible d’amendement. Il était surtout implacable pour les délits contre la moralité publique : selon lui, c’était encourager le viol, l’adultère, l’outrage aux mœurs que d’adoucir les châtiments. Il prétendait gravement que la majorité catholique des Chambres qui avaient voté cette loi, en avait exclu expressément ces délits abominables et, dans ses exposés, on discernait l’influence de la morale religieuse, large et tolérante pour les faiblesses humaines aussi longtemps qu’elles restent secrètes, inflexible et cruelle dès qu’elles font scandale.

Lors de certaines époques de crise, lorsqu’il convenait plus particulièrement que la peine fût exemplaire, il s’empressait de refuser la « condition » qu’il eût accordée en temps normal. Toute atteinte à la liberté du travail, en période de grève, était punie de peines définitives. Il croyait ainsi châtier le prévenu et terroriser ses imitateurs éven-