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V


Ils se querellèrent, un autre jour, à propos de la loi sur la condamnation conditionnelle.

Lorsque cette loi fut promulguée, le président Louvrier la trouva absurde. Malgré la déférence passive qu’il professait pour la volonté du législateur, il hésita d’abord beaucoup à l’appliquer. Il lui parut que faire droit aux conclusions de la défense sur ce point, c’était abdiquer quelque chose de sa puissance, sacrifier son sérieux et son prestige. « Que diable ! Je ne suis pas un juge de carton », déclara-t-il à un assesseur qui insistait. Le mot eut un certain succès au Palais ; les misonéistes l’approuvèrent plus ou moins ouvertement ; les jeunes le citèrent comme un remarquable exemple, en une intelligence déliée, d’encroûtement ridicule. Il fallut quelques incidents tapageurs, des plaidoiries tenaces, impertinentes, sur ce point seul, pour le faire céder. Le temps surtout fit son œuvre et usa ses résistances. L’innovation périlleuse entra insensiblement dans le domaine des choses auxquelles son esprit était habitué, fit partie intégrante de l’ordre établi. Elle n’avait d’ailleurs point, à l’usage, révélé les conséquences funestes qu’avait prédites le vieux magistrat. Les tribunaux ne s’en étaient point