Page:Destrée - Le Secret de Frédéric Marcinel, 1901.pdf/58

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
52 —

— Besogne d’historiens, alors, mais plus besogne de juristes. Fouiller le passé, scruter les archives, remuer le passé pour juger la vie, la fuyante et ondoyante vie qui vient chaque jour nous demander sa direction ? La méthode paraît fastidieuse. Je nie, en outre, que vos recherches archéologiques puissent vous donner toujours une solution. N’est-il pas grotesque, par exemple, de chercher dans le droit romain, les coutumes ou les discours du Tribunat la signification des articles du Code que vous appliquez à l’industrie moderne, puisqu’il est bien certain que ni les uns ni les autres, pas plus que les plus extraordinaires utopistes de ce temps n’ont prévu la formidable transformation économique du siècle, n’ont pas même supposé la vapeur et l’électricité ? J’affirme enfin que si le législateur de  1850, de 1875 ou de 1900 a laissé subsister une loi, c’est avec la valeur et la portée qu’elle avait en 1850, en 1875 ou en 1900, pour les cerveaux du temps. Et si vous admettez que la signification d’une phrase puisse évoluer, n’ai-je point, moi, le droit de vous dire que pour vous conformer à la volonté législative, c’est la signification du moment présent, de l’instant où vous coexistez, le texte, le législateur et vous, que vous devez appliquer ? Qui vous autoriserait à choisir arbitrairement un autre stade de l’évolution ?

— Il serait arbitraire et dangereux de choisir, c’est évident ; c’est pourquoi je m’en tiens, en dépit de vos subtilités, au sens premier. Les autres sont incertains, mobiles, changeants dans le temps, mais aussi dans l’espace, selon les lieux, les circonstances, l’âge des juges. Une loi aussi élastique n’est plus une loi.