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monta, derrière le Président, jusqu’au mur où était appendue une estampe colossale de Xavier Mellery. On connaît la composition harmonieuse et grave par laquelle ce noble artiste consacra la solennité d’une réunion internationale organisée par la Fédération des Avocats. Reproduite à des milliers d’exemplaires, elle fut distribuée aux divers Palais de Justice et, faute d’emplacement adéquat, elle avait échoué dans la solitude de cette chambre du Conseil. Jacquard ne put s’empêcher de sourire du contraste entre la beauté souple de l’adolescent qui s’apprête à délaisser la charrue pacifique pour prendre des mains de la Force sociale le glaive de la Justice, et la pauvre vieille figure caricaturale du Président. Une ironie flotta, fugace, en ses yeux malicieux. En vérité, l’Art et la Réalité étaient par trop loin l’un de l’autre. Le magistrat qu’il respectait lui parut un vieux singe grimaçant, feuilletant avec un autoritarisme imbécile les grimoires du dossier.

Et tandis qu’Adonis, de plus en plus hébété, vagissait puérilement, que Louvrier exposait, de façon lucide et docte, les circonstances de l’affaire, Jacquard s’abandonnait au charme de son enthousiasme pour l’affiche auguste. Quel rythme et quelle sérénité dans ces figures ! Elles avaient la majesté tranquille des statues antiques. De la force et de la bonté en descendaient intarissablement. Au centre de la composition, une Déesse, assise sous une arcade, semblait bénir la Famille humaine. Dans sa dextre, elle tenait l’épée, appuyée sur les tablettes de la loi, où une de ses filles dociles inscrivait : La plus noble force sociale est le droit ; son bras gauche s’étendait doucement prometteur de protection vers une jeune mère et deux enfants, tandis qu’elle