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III


Les paroles surprenantes qu’avait prononcées le Président Louvrier, ce matin d’hiver où les magistrats attendaient en la chambre du Conseil, l’ouverture de l’audience correctionnelle, étaient restées sans réponse. Jacquart, que ce propos déconcertait, surtout dans la bouche du Président, avait regardé celui-ci d’un air surpris et n’avait point osé l’interroger. Quant à Louvrier, il s’était senti troublé d’une sorte de pudeur morale, mal à l’aise, presque honteux, comme s’il eût involontairement et brusquement découvert quelque partie de l’intimité secrète de son être. Il y eut un moment de silence contraint, pendant lequel tous deux s’efforcèrent de chasser comme indifférente et importune la pensée qui allait si fortement marquer dans leur vie. Seul, Adonis ne perçut rien de ces palpitations de l’invisible. Puis, on parla des affaires en cours, des cancans du Palais et la conversation roula légèrement son flot de banalités coutumières.

Pendant des jours, pendant des semaines, le souvenir de cette minute singulière impressionna le juge Jacquard. Il y avait là un aspect nouveau des choses, sur lequel son attention n’avait jamais été appelée. Et à mesure qu’il y