— Délit d’adultère. C’est la loi !
— Je vous ai entendu condamner pour calomnies quelqu’un qui avait manifestement dit la vérité…
— Oui, mais la preuve légale du fait n’était pas rapportée.
— Je vous ai entendu condamner un vieux bonhomme qui avait guéri plusieurs personnes affligées de maladies…
— Oui, mais il exerçait illégalement l’art de guérir.
— Je vous ai entendu condamner pour banqueroute un pauvre diable qui, ruiné par un banquier véreux, n’avait pas fait d’inventaire annuel…
— La loi le permet.
— Je vous ai entendu condamner à trois mois de prison deux gamins qui, par-dessus un mur, avaient maraudé des nèfles.
— C’est le minimum prévu par la loi.
— Je vous ai entendu acquitter, par un jugement savamment motivé, un spéculateur intrépide, qui avait accumulé, avec de beaux bénéfices pour lui, des catastrophes sans nombre…
— Les conditions légales de l’escroquerie n’étaient point réunies en l’espèce.
— Je vous ai entendu acquitter un machiniste prévenu d’imprudence et j’ai vu sortir du prétoire se traînant péniblement sur des béquilles, infirme à jamais et sans ressources, la victime que vous aviez condamnée aux frais !
— Que veux-tu ! C’est la loi.
— La loi ! La loi ! Vous ne pensez qu’à la loi, Monsieur le Président, tandis que moi je rêve de Justice. La loi n’est pas la Justice. Quand elle y mène, elle a droit à tous les respects. Quand elle s’en éloigne, elle devient une