Page:Destrée - Le Secret de Frédéric Marcinel, 1901.pdf/19

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 13

vigoureux malgré les années, la malice des yeux perpétuellement remuant dans la face, il dut s’avouer que jamais son ami n’avait paru mieux portant. Ce visage avait toutefois je ne sais quelle gravité inaccoutumée. Quelques questions qu’il adressa furent éludées avec courtoisie. Décidément Frédéric Marcinel avait son secret…

Il se confirma que le vieux gendarme fréquentait l’église. Puis le bruit courut, au Palais, de sa démission prochaine. Le président n’y comprenait plus rien. Un jour qu’une affaire un peu longue avait obligé le tribunal à tenir séance après midi, il fit signe à Frédéric qu’il avait à lui parler et dès que, dans la quiétude du Palais abandonné, il eut ôté sa robe et rassemblé ses dossiers, il descendit l’escalier et rejoignit le gendarme qui l’attendait.

Ils marchèrent quelque temps sans rien dire. C’était un jour gris et triste d’automne ; une mélancolie planait sur la ville. Le président ne savait comment aborder l’entretien ; il s’y résolut sur un mode qu’il crut plaisant :

— Eh bien, Frédéric, que signifie ? On dit que tu deviens calottin ?

— Oh ! monsieur le président, fit Marcinel scandalisé. C’est vous, vous, qui me dites cela ?

— Excuse-moi, mon ami ; j’ai voulu badiner. Et je vois bien que le sujet ne s’y prête guère. Mais m’expliqueras-tu ta conversion, qui me fait grand plaisir, et ce qu’il y a de vrai dans la nouvelle de ta démission, qui me ferait grande peine ?

— C’est vrai, monsieur Louvrier. Il est vrai que je crois, maintenant. Il est vrai aussi que je vais vous quitter bientôt.