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Eh bien, quelle est, Messieurs, la raison de cet incroyable changement, de ce funeste abandon de principes, de ce reniement sans exemple de convictions honorables ? La voilà. Sous le ministère Draper on crevait de dépit ; aujourd’hui on crève de vanité ! Il y a trois ans on était dans l’opposition, aujourd’hui on est ministre ! !

Demandez ensuite à tel de nos plus ardents ministériels si l’annexion du Canada aux États-Unis n’est pas un évènement aussi certain que sa séparation d’avec l’Angleterre. Il vous dira : « Personne n’en doute ! Entre vous et moi l’annexion est inévitable ! Il faudrait être insensé pour le nier ! Sous le ministère Draper, j’étais un annexionniste décidé, enragé même ! Voyez mes écrits de cette époque ; et vous verrez comme je pulvérisais le régime colonial ! Mais aujourd’hui pensez-y bien ; les choses sont changées ; les positions respectives des partis ne sont plus les mêmes ; nous sommes au pouvoir, et c’est bien doux pour nos amis, après tant d’efforts. »

Un autre vous dira : « Je suis annexionniste de cœur, ne vous y trompez pas ! Dans nos comités secrets, je tance le ministère ! Je sais comme vous que l’annexion est le seul moyen de salut qui reste au pays ! Dans toutes mes conversations confidentielles avec mes amis, je ne cesse de répéter que hors de l’annexion il n’y a pas de prospérité possible pour le pays. Mais comprenez donc qu’en public je ne puis faire autrement que de combattre l’annexion ; car le parti qui la demande nous a fait, depuis deux ans, une guerre si acharnée, nous a dit des vérités si dures, a fait de nous des portraits si ressemblants que nous ne pouvons en aucune manière nous joindre à lui ! Adopter ses vues, ce serait lui donner de l’importance ! Reconnaître publiquement les avantages de l’annexion, ce serait admettre que depuis dix ans nous avons agi en insensés, que notre politique a été absurde, nos vues bornées, nos idées étroites ; ce serait avouer une complète incapacité comme hommes publics ! Vous voyez bien que c’est impossible ! »

Enfin demandez à tel membre de l’Assemblée qui a signé le protêt des ministres contre l’annexion quelle est son opinion privée, sur cette question. — Car, dans ce pays, Messieurs, il n’est pas rare d’entendre dire que l’honneur dans la