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sance de cause ! Ce peuple a, le premier, prouvé que la liberté pouvait être conquise sans être souillée !

« Ce peuple est le premier qui ait invinciblement démontré que la souveraineté nationale était le seul principe rationnel en fait d’organisation sociale et politique ; que dans le dogme de la souveraineté du peuple seulement il fallait voir la vérité politique, que là seulement on pouvait trouver le bon gouvernement, l’égalité aux yeux de la loi, l’abolition des privilèges, la destruction des abus, la réintégration de l’homme dans ses droits, dans ses attributs, dans sa dignité ! »

Eh bien, Messieurs, que pouvais-je, moi habitant du Canada, mettre en regard de tous ces titres de gloire ; sinon les malheurs de mon pays, mes propres regrets quant à sa faiblesse, sa nullité relative ; mes aveux quant à son état arriéré sous presque tous les rapports ?

Pouvais-je oublier que j’appartenais à un peuple qui a le triste avantage d’être une exception sur le continent Américain, où la liberté politique a pénétré partout, excepté en Canada ?

Pouvais-je oublier que mes compatriotes étaient presque les seuls habitants de l’Amérique qui ne pussent pas dire ; « Nous sommes des hommes libres ! »

Pouvais-je oublier que j’appartenais à un peuple qui n’a pas le droit de se donner le titre de nation, et qui n’a pas la force de le prendre ?

N’étais-je pas forcé de dire à ce Français, à cet Anglais, à cet Américain ? « Je dois l’admettre, mon pays est d’un siècle en arrière des vôtres ! L’état colonial l’a frappé d’immobilité ! Entouré d’obstacles, gêné par des restrictions de toute espèce, surchargé d’entraves, privé d’éducation, il est resté stationnaire sur cette terre d’Amérique où l’inertie morale semble être un paradoxe ! Jusqu’à présent, la liberté d’action a toujours été pour lui l’inconnu, la prospérité industrielle l’impossible ! Chez l’individu, la dépendance tue le génie, chez les peuples, elle amoindrit les hommes ! Plus le cercle politique est étroit, plus l’intelligence se rapetisse ! Plus le domaine des idées est borné, plus elles se localisent ! L’esprit public d’un peuple ne peut-être vivifié et agrandi que par la liberté !