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tion indue des différents gouvernements des États-Unis dans les matières qui ne sortent pas du domaine de l’opinion ! ce que vous n’avez pas vu c’est la déclaration, par les journaux officiels, que soit le gouvernement fédéral, soit les gouvernements particuliers eussent le droit de prescrire aux citoyens leurs opinions, ou celui de les punir pour les avoir publiquement exprimées ! Ce que vous n’avez pas vu, c’est la proscription de la pensée individuelle quand elle ne concordait pas avec celle des hommes au pouvoir ! ce que vous n’avez pas vu, c’est la répression violente, dans des vues de parti, ou dans l’intérêt d’une coterie, du cri de la conscience publique ; de l’expression franche et modérée des besoins généraux de tout un peuple ! ce que vous n’avez pas vu surtout c’est l’anathème ministériel lancé sur une pensée de nationalité !

Enfin vous avez vu le Président des États-Unis déclarer qu’il sacrifierait sa vie pour le maintien de l’unité nationale, mais vous ne l’avez pas vu maltraiter celui qui commettait l’erreur de jugement de croire sa dissolution nécessaire ou inévitable !

Cela, vient, Messieurs, de ce qu’aux États-Unis, le pouvoir sait qu’il n’est rien par lui-même, qu’il n’a que des devoirs à remplir et non des droits à exercer ; que l’autorité dont il est revêtu n’est strictement qu’un dépôt dont il doit compte au peuple qui le lui a confié ! Cela vient de ce qu’aux États-Unis les hommes constitués en autorité savent parfaitement qu’ils sont peuples aussi, qu’ils n’ont pas d’autres intérêts à défendre que ceux du peuple qui les a nommés, et que, là, on ne voit pas, comme dans les pays de monarchie tempérée, cette fiction, cette anomalie de deux pouvoirs incessamment en contact, perpétuellement en lutte, dont l’un, celui qui n’a aucuns droits, la couronne, s’arroge toutes les prérogatives inventées par l’esprit de caste, et dont l’autre, celui qui seul a des droits, seul possède la plénitude de la souveraineté, le pays, est toujours effacé et le plus souvent opprimé par le premier.

Eh bien, Messieurs, ne vous semble-t-il pas, quand aux États-Unis, dans un moment de crise, alors qu’il ne s’agissait de rien moins, pour quelques individus, que de scinder en deux parts une nationalité strictement homogène, la plus belle des nationalités modernes, on n’a pas seule-