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lire des diatribes inspirées par la plus évidente mauvaise foi, ont cru au danger de l’application au Canada des institutions républicaines.

Espérons que les gens de bonne foi sentiront que sous la constitution anglaise rien n’est assuré, parce que rien n’est défini ; que les droits des gouvernés et les devoirs des gouvernants, au lieu d’être explicitement fixés et prescrits, étant au contraire abandonnés à l’appréciation capricieuse et intéressée de ceux-ci, nous ne savons, en quelque sorte, ni ce que nous avons à craindre, ni ce que nous avons, par la constitution, le droit d’exiger.

Espérons que les gens de bonne foi sentiront qu’avec l’institution du gouvernement responsable, tel qu’on nous l’a imposée et tel que nos prétendus amis l’ont fait fonctionner, nous n’avons d’autre garantie que le bon vouloir des hommes au pouvoir ; or une telle garantie est plus qu’illusoire ; les huit dernières années l’ont assez prouvé.

En politique toute garantie purement personnelle est une absurdité, ou un danger, ou un mensonge : d’abord parce qu’un homme n’est jamais infaillible ; en second lieu parce que cet homme, dût sa conscience être inébranlable, peut mourir d’un instant à l’autre ; enfin parce que jamais un homme ne peut régler à son gré le présent, ni prévoir l’avenir, et que, comme le disait Mr. De Talleyrand, « il y a quelqu’un qui aura toujours plus d’esprit que tous les rois ou ministres présents, passés ou futurs, et ce quelqu’un, c’est tout le monde. »

Rien ne démontre mieux la totale insuffisance des hommes qui sont aujourd’hui au ministère, que leurs constants efforts pour augmenter leurs pouvoirs et les détails de leurs attributions, en un mot pour centraliser en eux seuls toute l’action du gouvernement, sous le prétexte qu’ils n’en abuseront pas et qu’il en résultera du bien ; car des libéraux vraiment éclairés auraient profité de leur séjour au pouvoir pour lier autant que possible les mains des ministres, pour restreindre autant que possible les prérogatives de la couronne, et pour étendre d’autant les privilèges de la législature. Des hommes vraiment éclairés auraient compris que faire dépendre le sort d’un peuple de l’habileté, de l’existence ou de l’honnêteté d’un individu, était, en politique, un acte d’aberration men-