habituellement en conflit. Le gouvernement responsable n’est donc pas, dans la pratique, ce qu’il fait profession d’être. Il n’est donc pas possible que son action ait été salutaire au point de vue moral, car au lieu de donner au peuple des idées exactes sur ses droits, sur la pratique gouvernementale, il n’a pas eu d’autre effet que de fausser, chez le peuple du pays, la notion du droit et conséquemment la notion du devoir.
Ainsi le peuple croit fermement que l’Angleterre a le droit de nous imposer ses gouverneurs : pour lui, le fait actuel, maintenu par la force physique, représente le droit. Il ne sait pas qu’en lui imposant ses volontés, l’Angleterre viole, à son égard, le droit naturel ! Il était du devoir de ses mandataires de ne pas le laisser dans l’ignorance sur un point aussi vital ! Eh bien, depuis que le gouvernement responsable existe, au lieu de lui inculquer la notion de sa souveraineté native, inaliénable, on lui a fait regarder comme des faveurs les concessions de l’Angleterre : on lui a dit qu’il devait témoigner de la reconnaissance à ceux qui lui accordaient le dixième de ce qu’il avait droit d’obtenir ! !
Messieurs, en fait de droits politiques, ce qu’un peuple n’a pas actuellement, on le lui doit ; ce qu’il obtient lui appartenait d’avance et il ne doit nullement de la gratitude à ceux qui lui rendent son bien après des années de résistance intéressée ! ! Ceux qui, sachant cela, ne l’en avertissent pas sont nécessairement des hommes politiques corrompus.
Or ce n’est pas sous un système qui a sa base dans la violation des droits généraux du pays que le peuple peut acquérir des notions exactes sur les véritables institutions représentatives qui sont l’opposé de ce système.
Ce n’est pas dans la négation pratique de la démocratie qu’un peuple peut puiser des notions démocratiques !
Prétendre former le peuple du pays aux institutions républicaines au moyen du système actuel, c’est essayer de préparer un élève à la prêtrise en lui faisant étudier Voltaire ! !
Si encore le système seul était défectueux : si les hommes qui l’ont fait fonctionner avaient été des démocrates sincères, éclairés ; s’ils avaient vraiment montré l’intention de parer à ses inconvénients et de mettre le peuple en garde contre ses dangers, il n’eût peut-être pas été impossible de tirer quelque bien même d’une source infectée !