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qu’elles ont souffert et qu’elles ont toujours pitié, même des méchants, surtout des méchants, les plus à plaindre de tous les malheureux.

Elles vivent dans un flottement de lumière, dans une atmosphère ardente : tout ce qui est vivant les intéresse, tout ce qui est faible les apitoie ; elles aiment les choses et elles aiment les âmes, et si elles ne sont jamais amères c’est qu’elles sont ingénieuses à découvrir la bonté cachée chez tous, et qu’elles prêtent à tout ce qui les entoure la beauté qui est en elles.

Elles savent, comme le poète, que « tout est plein d’âme », et c’est cette âme qui remplit tout ce qu’elles sentent et devinent, et elles sont elles-mêmes des âmes si vivantes et si belles que leur souvenir vivifie encore alors qu’elles sont disparues.

J’ai connu une de ces Rayonnantes. Après avoir été riche et heureuse, elle fut ruinée et perdit successivement ses enfants son mari, sa maison, sa santé, l’usage de ses jambes. Confinée dans sa chambre pendant des années rien ne put éteindre cette joie haute qui était « l’état de son âme ».

Près d’elle si éprouvée et si sereine, d’autres moins à plaindre allaient apprendre la résignation douce et la philosophie souriante dont elle ne se départit jamais. Elle mourut à quatre-vingts ans passés, et l’une de ses dernières paroles fut de ne pas la pleurer puisqu’elle était heureuse de s’en aller, mais de bien prier pour elle.