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les autres et elle remplit ainsi le but pour lequel elle a été préparée.

L’étincelle qui allume notre lampe, c’est la joie de sentir que la vie est un bienfait. Sans elle nous restons sur la tablette de l’armoire fermée, éteints et inutiles.

Malgré la plus ferme détermination contraire, les égoïstes sont contraints de donner aux autres de leur temps, de leur travail, un peu d’eux-mêmes enfin. Ils sont mécontents et tristes parce que ces dons sont forcés, et leurs meilleures actions ont l’acidité des fruits verts. Ils détestent la vie et s’en plaignent amèrement. Mais pour ceux qui ont compris la magnificence du grand don de Dieu, l’égoïsme est à jamais chassé de leurs âmes : ils donnent avec la même joie qu’ils reçoivent ; la vie qu’ils aiment les remplit de cette joie unique qui vous fait remercier Dieu d’un beau coucher de soleil.

La pensée de la mort ne saurait les assombrir. Ils savent qu’au delà de la barrière que la Mort leur fera franchir, ils retrouveront la Vie dans une plénitude qu’ils pressentent.

Je regarde les grands arbres nus : leurs pieds enfoncent encore dans la neige qui disparaît si lentement : leurs cimes, sur le ciel clair, ont déjà un frémissement. La sève ne verdit pas encore leurs branches, mais elle leur communique une souplesse vivante : ils sentent le Printemps tout près qui ranimera en eux la vie interrompue.