Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, quatrième série, 1918.djvu/80

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tendresses désolées : l’église était remplie de ce désespoir si longtemps contenu, caché, et qui jetait enfin sa plainte là où l’on peut pleurer librement.

Pourtant, une à une, elles s’en allèrent, laissant leur cierge prier en brûlant, et leur prière pleurer devant la Vierge ; elles s’en allèrent, le cœur lourd mais prêtes à sourire afin de laisser à leurs aimés tout leur courage. Et presque seule dans l’ombre du temple, je ne pouvais que répéter ces mots : « Mère ! Mère ! Aie pitié des Mères ! »

Il y en a tant à qui l’on prendra leur fils pour les jeter dans la mêlée horrible. Elles frissonnent déjà du froid que leurs petits endureront, de la terreur qu’ils connaîtront, elles ont peur de la haine qui les jettera, enragés, sur les ennemis ; elles les voient blessés, seuls sur les champs de bataille abandonnés, ou tués et enterrés si loin d’elles.

Cette désolation, d’autres mères l’ont connue et acceptée généreusement. C’est vrai… mais une force qui nous manque les animait, les grandissait : l’amour de la patrie attaquée et envahie.

Ici on demande aux mères un héroïsme désintéressé que n’aide pas même la conviction que notre sacrifice soit nécessaire. On nous force à donner ce que nous avons de plus précieux sans même nous dire merci ! Au contraire, on s’étonne et on se scandalise de notre peu d’enthousiasme pour aider la puissante, la riche et l’arrogante Angle-