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décor dont chaque heure transforme la beauté : elle vit, elle est quelqu’un que l’on aime.

Hier soir, son clocher gris s’enlevait, élancé et gracieux, dans un ciel rose reflété sur les vagues moirées, et de son cœur, le premier soupir de l'angelus vint frapper mon cœur comme un sanglot. C’est qu’on m’avait dit que des projets de restauration rôdent, comme des ombres menaçantes autour de l’église ancienne dont le charme est rare dans notre Canada affairé où les véritables artistes sont si peu consultés.

Il est question de remplacer le clocher ajouré et élégant par une tour massive et carrée qui détruirait le caractère de belle et pure unité qu’admirent ceux pour qui les pierres sont les phrases d’un poème.

Pendant qu’on me désolait avec ces récits de reconstruction, la cloche grêle pleurait dans le ravissant clocher qui s’effilait dans les profondeurs de l’espace comme cherchant, dans un élan désespéré, à échapper aux démolisseurs. Est-ce possible ? Sous prétexte d’amélioration, va-t-on détruire ce bijou de clocher, si bien à sa place sur l’église, qu’elle semble être sortie toute faite du cœur même de l’artiste qui l’a rêvée en priant.

C’est un artiste encore qu’il faut consulter avant de porter une main imprudente sur ce joli monument dont la beauté est faite d’harmonie. On ne coiffe pas une tête d’évêque d’un chapeau fleuri, on ne place pas