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ont lancées à la volée, les reconnaissent à peine, quand, au cours de leurs évolutions, elles repassent devant leur porte.

Dans la grande ville, la vie individuelle est plus secrète, mieux protégée contre la curiosité… on ne sait pas toujours le nom de ses voisins, en ville. Dans la petite ville, chaque fenêtre a ses yeux grands ou vert-s sur les gestes, les démarches et les rencontres de tous et de chacun. Revenez-vous de l’église ? Qui est l’étanger qui entre chez vous ? Où votre domestique porte-t-il ce panier, et que peut-il bien contenir ? Etc., etc., etc.

La patience la mieux exercée cède quelquefois devant l’absurdité des suppositions et des commentaires de cette police cancanière.

La malice cependant n’est pas souvent le facteur principal de cette démangeaison de parler, et en face des résultats désastreux de leurs bavardages, certaines bonnes âmes sont désolées et protestent de l’innocence de leurs intentions, et je crois à leur sincérité qui égale leur inconséquence.

C’est un spectacle curieux de voir toute une population occupée du même petit scandale, du même accident, de la même histoire plaisante : dans les salons, les bureaux, les parloirs, les ateliers, les magasins vous tombez sur le sujet du jour que tout le monde raconte avec ses petits bouts d’allonge.