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C’est la vie : il n’y a que les âmes légères et vaines qui ne sentent pas leur tristesse parce qu’elles l’étourdissent, mais elle les saisit un jour, quand elles ont perdu le pouvoir dè s’amuser.

Il faut donc accepter la tristesse et apprendre à la renfermer en nous. Notre gaieté a le droit de se communiquer puisqu’elle fait du bien aux autres, mais cachons bien notre tristesse. D’abord elle nous appartient davantage, elle est notre vie même dans ce qu’elle a de plus intime et de plus profond. Puis, si nous ne la tenions pas silencieuse et voilée, elle offusquerait ceux dont c’est le tour d’être heureux, — et ce sera si court, — et elle infligerait un surcroît de peine à d’autres tristes qui ont bien assez de leur infortune.

La tristesse est dans notre vie comme les journées de pluie dans le printemps : ils le font plus frais, plus vert, fleuri et tout étincelant. Ainsi la tristesse douce et sans révolte rend les âmes plus belles, et une femme qui n’a pas pleuré ne connaît ni l’indulgence ni la bonté profondes.

N’ayez pas peur de votre tristesse, ma petite sœur, et regardez les pensées qu’elle vous présente, elles sont généralement fécondes et vous font descendre en vous-même où il est bon pour tous de vivre un peu plus.

La tristesse n’est pas un mal, elle est une des conditions de la vie à laquelle nul ne peut se soustraire. Elle ne devient un mal que si elle engendre l’inaction et le découra-