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rête son souffle pour écouter si le monde lui répondra, mais on ne s’occupe pas de lui, et il recommence à soupirer et à gémir.

— Et, dis-moi, Botrel, est-ce que, la nuit, il y a beaucoup de fleurs qui meurent, beaucoup d’étoiles qui tombent, beaucoup de ces voix qui appellent et auxquelles personne ne répond ? — Oui, répond l’oiseau gravement : toutes les fleurs meurent dès qu’elles sont belles ; j’ai vu bien des étoiles qui resplendissaient se jeter dans les ténèbres, et le monde est rempli d’appels auxquels rien sur la terre n’a jamais répondu.

L’enfant et l’oiseau se taisent, l’une dort dans sa fourrure, l’autre dort sur son perchoir, mais l’enfant a appris dans son rêve pourquoi elle est triste, et qu’on peut avoir du chagrin sans avoir été méchante. Dans le mystère de son âme qui s’éveille, tout un monde lui a été révélé et la pitié, la divine pitié qui fait le cœur des femmes si grand est née cette nuit en elle.

Elle va aujourd’hui aux fleurs qui s’effeuillent, aux étoiles qui tombent, au vent qui pleure, mais Suzanne grandira, et la douce compassion grandira aussi, pour s’élancer vers tout ce qui souffre, et aux voix qui éternellement appellent, elle saura répondre avec la tendresse des femmes qui ont compris qu’aimer, se sacrifier et pardonner, c’est tout un.