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consoler ; peu à peu ses grands yeux se ferment.

L’oiseau agite ses ailes dans sa cage : — Tu ne dors pas, Botrel, fait-elle plaitivement. — Non, petite, et toi tu t’ennuies ? — Oh ! moi, dit Suzanne dans un grand soupir, je suis triste… j’ai été sage pourtant aujourd’hui, et il n’y a rien de changé dans la maison, ah ! mon pauvre Botrel, tu ne sais pas comme c’est ennuyeux de ne pas savoir seulement pourquoi l’on a tant de chagrin !

L’oiseau penche la tête avec des airs de vieux philosophe : — Je te le dirai bien moi : tu es triste, parce qu’une belle fleur vient de mourir dans la serre. — Tu l’as vue mourir ? — Non, mais je le sais, il en meurt tout le temps : elles s’épanouissent, elles embaument, elles s’ouvrent, elles s’ouvrent éperdument pour donner tout leur cœur au soleil, puis un à un leurs pétales tombent sur la terre noire au pied des plantes… elles finissent toutes ainsi.

Et ce n’est pas tout, continue l’oiseau, tu es triste aussi parce qu’une étoile du ciel est tombée dans le vide : vite, vite, plus vite qu’on ne peut penser, comme si elle avait peur du ciel d’où elle s’enfuyait, elle s’est précipitée dans le noir de la nuit qui l’a engloutie.

L’enfant écoute, toute pâle d’angoisse, en serrant ses petites mains sur son cœur.

— Il y a autre chose encore qui te rend triste, c’est la voix du vent qui passe sur le monde… L’entends-tu appeler ?… il ar-