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« Monsieur Le Saulnier a prêché, le jour de l’Ascension, à la paroisse, et pendant le sermon, il y eut une terrible alarme ; quelque chose ayant craqué dans l’église, on crut que le jubé s’effondroit, on cria et cela fit sortir le monde avec une grande précipitation. Les uns croyoient que c’était le jugement dernier, d’autres que les ennemis prenoient la ville, on pensait que la terre tremblait et on criait au feu… et imaginez, que pendant qu’on sortait en foule, avec beaucoup de presse et de grands cris, un bataillon passa, la baïonnette au bout du fusil, allant à l’exercice ; quelqu’un courut dire aux religieuses de fermer les portes, que l’on massacrait les prêtres et le peuple. Les pensionnaires et les sœurs se sauvèrent par le chemin secret dans le plus grand désarroi, et tout cela pour rien. Monsieur Voux et monsieur Le Saulnier faisoient leurs efforts pour arrêter la panique, c’étoit inutile. À la fin, les esprits se remirent un peu, et une partie des gens revinrent à l’église, les autres se sauvèrent chez eux gardant leur épouvante.

Plusieurs ont été froissés dans la foule, pour moi, je n’y étais pas et j’en remercie Dieu.

Je voudrais écrire à Mademoiselle Angèle, mais cela ne se peut faute de tems. Vous qui en avez beaucoup, faites-moi, je vous prie, le détail de vos plaisirs champêtres. Enfin, je vous embrasse tout autant que mes bras peuvent s’étendre. Je suis obligée de finir, car tout me presse. »