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prend la nostalgie de la maison où vous attendent la même vie, les mêmes ennuis. Vous y revenez satisfaite, heureuse de retrouver tout ce que vous aviez fui avec tant d’entrain.

Quand nous rêvons, c’est notre âme qui va chercher un peu de délassement et de repos. Elle plonge dans le bleu, elle court après les chimères, et elle revient avec assez d’azur et de poussière d’or à répandre sur les réalités qui l’attendent qu’elle les fait acceptables. Mais prenez garde ! S’il faut du rêve, « pas trop n’en faut ! » Si vous alliez devenir des petites folles et crier ensuite bien fort : C’est d’après les conseils de Fadette !


XXXV

Sur l’eau


Nous étions partis, en canot, à la clarté mourante du jour, et après avoir traversé une zone de vagues roses où les derniers rayons du soleil couchant jetaient des éblouissements, le ciel et l’eau étaient devenus sombres, et avant que les étoiles se fussent allumées au ciel, un fin brouillard s’avançant de terre, nous avait rejoints et insensiblement enveloppés, s’épaississant peu à peu en voile impalpable et impénétrable.

Très gais au départ, cette atmosphère étrange avait fini par nous impressionner ; nous glissions comme des ombres, sur l’eau devenue silencieuse et tellement confondue,