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tion il faut avoir pour se représenter en marche, venant vers nous, un Printemps pimpant et fleuri ! C’est que son précurseur est si crotté, si vilain… et pourtant il laisse sur son passage un souffle de joie, et il semble à tous que bientôt le bonheur sera possible, et qu’en essayant bien fort, on réussira à le saisir.

Les moineaux s’égosillent dans les arbres nus, et ce matin, j’ai positivement vu des corneilles près de la montagne. Du battement lourd de leurs grandes ailes, elles rythmaient leurs coassements étranges d’une tristesse douce que nous aimons au sortir du long hiver. Elles reviennent en bandes pressées, confiantes dans les promesses du vent du sud, ce grand menteur qui les ramène de si loin !

Elles auront froid pourtant : mars leur réserve ses dernières tempêtes, et avril, malgré ses petits airs doux, leur servira de rudes giboulées. Cachées aux creux des vieux arbres, elles maudiront leur imprudence qui ressemble à celle de l’année dernière, mais tous les serments actuels ne les empêcheront pas de recommencer exactement la même chose l’année prochaine.

L’expérience des corneilles comme l’expérience des hommes leur sert plus à grogner qu’à s’améliorer !

Je suppose que parmi ces voyageurs, il y a de bonnes vieilles corneilles qui n’approuvent pas ces déplacements hâtifs : elles prêchent et grondent en jurant que « de leur