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petite mousse fine, les clôtures ressemblaient à des volants de dentelle, les toits étaient encapuchonnés de neige, et sur les chemins moëlleux et immaculés, les moineaux cherchaient vainement leur sale petit déjeûner.

Tout était blanc, même les cheveux des petites filles blondes et brunes, que le frimas argentait si délicieusement au-dessus des frimousses jeunes.

Pour trouver de la couleur, il fallait regarder le ciel : au-dessus de la montagne traînaient quelques vapeurs roses oubliées par l’aurore, et sur un grand pan bleu, au-dessus de nos têtes, des nuages légers comme des duvets s’évanouissaient doucement.

C’était ravissant et vous auriez eu plus de plaisir à jouir de cette fête blanche qu’à dormir derrière vos volets clos.

Mais, en auriez-vous joui ? Avez-vous seulement jamais soupçonné la dilatation physique que donne à respirer un air très pur, à voir, un paysage enchanteur, à entendre le silence plein de choses charmantes où votre bonheur se promène tout seul en fredonnant ?

Ah ! mes pauvres petites sœurs des villes ! vous courez toujours affairées, positives, trop prises par les petits détails de la vie pour en remarquer le grand décor, et pour aimer ses changements incessants, comme vous aimeriez une personne. À la campagne, on a l’âme plus contemplative, et je sais bien des femmes qui vous diraient comme elles sentent la