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perdu de ridicule si on racontait cette histoire en ville. Je jurai d’être discrète et de taire le nom de ce village éclairé ! J’allai voir mon vieil ami qui s’amusa de mon récit : « Dans mon enfance j’ai beaucoup aimé les histoires de sorciers ; j’ai même souvent joué ce personnage avec mes petits compagnons, mais je n’avais jamais, dans mes rêves les plus extravagants, imaginé que je deviendrais un vrai sorcier !

Sont-ils bêtes tout de même ! Racontez cela, on refusera de vous croire ! »


IV

Glas de huit heures


Le vent d’automne souffle, indiciblement triste, et du haut des grands clochers qui plongent dans le ciel tombe lentement le glas de huit heures ; l’on sent passer en soi le frisson de l’inconnu obscur, de l’immensité vague et infinie. Ce sont les voix de ceux que nous avons connus et tant aimés, de ceux que nous avons méconnus et si vite oubliés, les voix des ignorés, des abandonnés, de tous les morts de la terre depuis que le temps est commencé.

Quelle procession ! Comme il en a passé sur la terre des pauvres humains ! Ils ont disparu comme disparaît la fumée dans l’espace : nous disparaîtrons comme eux, et ceux qui resteront se diront : que sont-ils devenus ?