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absolument de « voisiner », ce qui est grave chez nous !

Monsieur V. était un rêveur doublé d’un herboriste : toujours à la recherche de plantes nouvelles, il faisait, par tout le pays, des promenades interminables, et on l’avait souvent vu effeuiller une fleur en murmurant des paroles cabalistiques. Peu à peu l’opinion se formait… un soir, un enfant avait vu autour de la maison se promener une ombre très longue qui agitait les bras ; en revenant des noces, le soir, deux gars d’une ferme avaient entendu, en longeant la maison, comme des chants d’église lugubre ; souvent, le soir, d’étranges lueurs bleues et rouges dansaient sur l’étang avoisinant « la maison ».

Ces bruits et d’autres semblables circulèrent mystérieusement, de veillée en veillée, pendant toute une saison, sans que Monsieur V. s’en doutât, naturellement.

Mais ce qu’il ne tarda pas à constater, ce fut l’éloignement des gens du village et la frayeur des petits enfants. Il avait cherché la solitude douce et paisible, il trouvait l’abandon triste et la défiance étrange qu’il ne s’expliquait pas.

Je fus, par hasard, mise au courant de ce qui se passait, par une personne de l’endroit, bien près elle-même de croire toutes ces niaiseries. — Je lui dis sérieusement quel homme distingué, savant et bien connu était le prétendu sorcier, et que le village serait à jamais