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LETTRES DE FADETTE

Célibataire, c’était une nullité ; mariée, elle fera, au village, si elle le veut, la pluie et le beau temps ! Y a-t-il au monde rien de plus stupide que ce préjugé et comprenez-vous que des gens sensés le partagent et en fassent souffrir les victimes sans se douter de leur cruauté — mille pardons — de leur inintelligence ?

Dieu merci, on a fait justice de cette fausse conception dans les villes, et ce n’est pas dans la vingtaine qu’une femme est appelée une vieille fille, et surtout qu’elle est traitée comme telle.

Si elles sont nombreuses, les jeunes filles, qui passé vingt-cinq ans hésitent à se marier, c’est justement parce que leur vie est si agréable qu’elles redoutent le sacrifice d’une liberté et d’une indépendance qui leur sont chères. La fille de trente ans, surtout si elle est cultivée, exige beaucoup plus qu’elle n’eût demandé dans sa première jeunesse. Ses années d’illusions sont passées, elle a moins confiance dans les hommes qu’elle a appris à connaître et les misères conjugales lui font un peu peur. Rien de plus curieux que de faire la comparaison entre les vies si différentes des célibataires de la ville et celles de la campagne, et ces dernières puiseront peut-être dans mes observations le courage de relever la tête, de lutter pour conserver les privilèges et les droits qu’on leur enlève prématurément en obéissant à un préjugé idiot.