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LETTRES DE FADETTE

la fait « vieille fille », c’est sa propre tristesse et l’isolement qu’on lui impose.

Le mot vous surprend et cependant il est vrai : elle est tenue à l’écart par les jeunes filles qui ne l’invitent jamais à leurs parties de plaisir ; les « dames » ne l’admettent pas davantage dans leur intimité, et peu à peu, la voilà solitaire et délaissée sans l’avoir désiré : elle a été mise de côté par tous, excepté peut-être par ceux qui peuvent profiter de sa complaisance, et la conscience de son inutilité commence à crier en elle. Parfois, elle essaie de l’étouffer sous d’humbles sacrifices et elle se dépense en dévouements obscurs payés d’ingratitude.

Le plus souvent, la pauvre méconnue se renferme dans le mépris affecté des joies que la vie lui a refusées, et ceux qui l’entourent chantent à l’unisson qu’elle est envieuse et amère quand elle n’est que blessée, la pauvre ! On dit : c’est une égoïste, et pourtant, c’est du bien qu’elle ne peut faire qu’elle souffre tant, qu’elle en dépérit.

Mais que l’amour vienne à passer, qu’un brave cœur d’homme s’avise de la bêtise de ceux qui ont ignoré cette âme de femme tendre et meurtrie, et voilà que la vie terne se colore, et le cœur en s’épanouissant fait resplendir la figure. Est-ce bien la « vieille fille » qui est devenue cette femme à qui on reconnaît maintenant le droit d’être jeune, jolie et heureuse ?