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de poison, tendrait son verre à ses voisins et voudrait les forcer à s’empoisonner aussi.

J’ai commencé par en vouloir beaucoup à ces semeurs de noir, mais je les ai vus tant souffrir, être si sincères dans la conviction qu’ils sont nés pour le malheur, que la pitié me les fait aimer et me porte à me rapprocher d’eux pour essayer de leur prouver que tout n’est pas si désolé et si désespérant dans la vie.

Si seulement on pouvait les amener à apprécier ce qu’un prédicateur anglais appelait « the blessings of life ». Et c’est ?

Mon Dieu, de n’être ni aveugle, ni manchot, ni infirme, c’est déjà quelque chose ! De pouvoir emplir ses yeux et son âme de la beauté des choses, de respirer le parfum de ce printemps un peu frisquet mais délicieux, de donner à un plus pauvre que soi, de lire un beau livre, de recevoir une bonne lettre, de rencontrer un regard sympathique, de caresser un petit enfant, d’entrer dans l’église solitaire où Dieu nous attend toujours…

Je ne finirais pas d’énumérer ces petites joies qui sont semées dans la vie comme les étoiles sont piquées dans le ciel : pour voir les étoiles il ne faut pas marcher le nez à terre en refusant d’admettre qu’il puisse en exister !

Deux choses importantes devraient être enseignées aux petits enfants.

Il s’agit de leur montrer à accepter brave-